Dents et sinus …
Une cohabitation parfois difficile
Les dents sont en relation avec les voies respiratoires supérieures.
Certains problèmes dentaires peuvent donc occasionner des pathologies ORL comme les sinusites.
Le point entre le Dr Alain MAZALAG et le Dr Luc CHIKHANI, chirurgien maxillo-facial.
Dr Alain Amzalag :
Quelle communication existe-t-il entre les dents et les voies aériennes supérieures ?
Dr Luc Chikhani :
Les voies aériennes supérieures comportent des cavités osseuses tapissées de muqueuses, en relation avec les fosses nasales : les sinus. Chez la majorité des gens, les quatre incisives ne sont pas en contact avec les voies aériennes. En revanche, certaines dents ont une intimité anatomique avec les sinus maxillaires ; ce sont les prémolaires, les molaires et les dents de sagesse.
Ce contact varie selon les sujets, en fonction de l’épaisseur d’os qui sépare ces dents des sinus.
Dr A. A. :
Cette relation explique donc que les problèmes dentaires peuvent avoir des répercussions au niveau de la sphère ORL…
Dr L. C. :
Oui, un certain nombre de sinusites, c’est-à-dire inflammations des sinus, sont dues à des pathologies bucco- dentaires (kystes, granulomes (réaction inflammatoire à l’extrémité de la racine d’une dent) , parodontites, etc.). Elles se traduisent alors par une douleur unilatérale au niveau d’un des deux sinus maxillaires, sous la joue.
À la pression, la zone est très sensible. Ce type de sinusite est accompagné de fièvre et d’un écoulement nasal sale et coloré par une des deux narines. Il arrive aussi qu’une sinusite maxillaire s’étende aux autres sinus, car tous sont en communication avec les fosses nasales. Un point de départ infectieux bucco-dentaire peut donc aboutir à des lésions à distance sinusiennes.
Dr A. A. :
Quand on obture une racine dentaire, après avoir dévitalisé la dent, la pâte utilisée peut parfois être projetée dans le sinus par le bout de la racine. Faut-il s’en inquiéter ?
Dr L. C. :
Si après un examen radiographique, on constate que la pâte dentaire se trouve sous la muqueuse du sinus maxillaire, il n’y a rien à faire. Si elle est dans la lumière du sinus, c’est-à-dire la cavité elle-même, il faut déterminer à quand remonte le dépassement de pâte. S’il est récent, on se montrera plus strict que s’il date de dix ans. La présence de pâte peut en effet entraîner une hypersécrétion réflexe du sinus et un épaississement de son bas-fond. De plus, selon la nature des composants, elle favorise parfois la prolifération de l’aspergillus fumigatus, le principal champignon microscopique séjournant dans les sinus.
Celui-ci peut être tout à fait anodin, sans engendrer la moindre maladie, comme il peut provoquer une sinusite plus ou moins chronique, avec un écoulement postérieur dans la gorge, un mouchage unilatéral purulent et une surinfection. En l’absence de symptôme, on se contentera donc de surveiller. Exception faite pour les patients à risque: personnes immunodéprimées (HIV, greffe, sous chimiothérapie, etc.), avec un problème de valve cardiaque ou devant subir une greffe ou une opération de chirurgie orthopédique par exemple. Là, tous les foyers infectieux potentiels doivent être systématiquement éradiqués.
Dr A. A. :
En présence de symptômes ou chez des patients à risque, comment opère-t-on pour extraire la pâte présente dans le sinus ?
Dr L. C. :
Deux types de chirurgie sont possibles. Tout d’abord, l’approche ORL endo-nasale permet d’aspirer l’intérieur du sinus en passant par le nez. La deuxième technique, plus classique, s’appelle le Caldwell-Euc.
Sous anesthésie générale, via la cavité bucco-dentaire, on découpe un petit volet osseux dans la paroi externe du sinus, de façon à le nettoyer avec un curetage. On referme, puis on fait analyser la muqueuse malade et le contenu du sinus. Ensuite, si nécessaire, on draine le sinus pendant quelques jours à l’aide d’un drain passant par la narine, en instillant des antiseptiques, de la bétadine et du sérum physiologique.
Dr A. A. :
Un fragment de racine dentaire qui se trouve dans le sinus, pose-t-il les mêmes problèmes ?
Dr L. C. :
Non, des fragments dentaires ou osseux peuvent parfaitement demeurer dans la lumière du sinus, sans provoquer de réaction particulière. Il faudra toutefois les retirer chez les patients immunodéprimés, greffés ou devant subir certaines opérations chirurgicales.
Même chose pour le personnel navigant, les plongeurs sous-marins, en somme toutes les personnes qui sont amenées à subir régulièrement des changements de pression: elles doivent avoir des sinus totalement sains. On ne peut laisser un fragment de racine dans le sinus, même en l’absence de symptôme.
Dr A. A. :
Confronté à une pathologie mettant en jeu la sphère bucco-dentaire et ORL, le patient ne sait pas toujours très bien à quel spécialiste s’adresser…
Dr L. C. :
Le plus simple est qu’il demande à son médecin généraliste de l’orienter convenablement. Celui-ci pourra par ailleurs jouer un rôle de coordinateur entre les différents spécialistes. Cela évitera au patient de cumuler les consultations de façon anarchique. Il appartiendra enfin au chirurgien-dentiste, au médecin ORL, voire au chirurgien maxillo-facial, de communiquer entre eux pour suivre au mieux le patient.